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Sophie, 18e maman formidable

Bonjour,

En ce mois de décembre, et avec un peu de retard dû à un début de mois placé sous les microbes, je vous présente enfin ma 18e maman formidable, Sophie. Agée de 48 ans, mariée depuis 25 ans à John, 56 ans ; ils ont quatre enfants : un garçon de 19 ans, deux filles de 14 et 12 ans, et un garçon de 6 ans et demi. Leur fils aîné travaille dans l’armée navale en Angleterre depuis ses 18 ans ; il retourne chez eux pour ses vacances, au gré de ses permissions, environ tous les 3-4 mois. Particularité chez cette famille: leurs enfants ne vont pas à l’école, et Sophie s’occupe beaucoup de son papa, malade, qui habite à deux pas de chez elle.

Je la remercie vraiment pour son témoignage touchant, sincère et sans filtre.

Est-ce que toi ou ton mari êtes issus d’une famille nombreuse ?
Mon mari, oui – il est le deuxième de quatre garçons. Pour ma part, je n’ai qu’une soeur.

Et fonder une famille nombreuse, c’était un rêve de petite fille ?
Oui! J’ai eu une enfance et une adolescence très difficiles; mes parents ont divorcé quand j’avais onze ans et je l’ai très, très mal vécu. Je rêvais tout le temps de vivre dans une grande famille heureuse, et comme ce n’était pas le cas, j’imaginais tout le temps comment je fonderais ma propre famille nombreuse – et heureuse.

Comment a réagi ton entourage, ta famille, à l’annonce des tes 3e puis 4e grossesses ?
Déjà à l’annonce de ma troisième grossesse, ma famille était mitigée. Nous avons un garçon en premier, et en fille en deuxième… lorsque j’ai annoncé que j’étais de nouveau enceinte, beaucoup de gens m’ont demandé pourquoi nous voulions un troisième, alors que nous avions déjà “un de chaque”!!! Ma mère était inquiète et m’a plusieurs fois demandé si ce n’était pas trop, un troisième…
Mais ces réactions n’étaient rien par rapport à la déferlante de remarques négatives quand je suis tombée enceinte de notre quatrième! Lorsque nous avons annoncé la nouvelle (très heureuse pour nous!) à ma mère et son mari, nous les avons vu pâlir comme si nous leur annoncions que nous avions une maladie grave. Ma mère s’est exclamée, lorsqu’elle a retrouvé la parole: “J’espère que c’est une plaisanterie!”… Tout au long de la grossesse, elle est restée très négative sur ce nouveau bébé à venir, à tel point que nos autres enfants ne voulaient plus aller la voir, pour ne plus entendre ses propos blessants sur le bébé. Encore aujourd’hui, nous restons tous marqués par cette réaction horrible et avons de la peine à pardonner.
La plupart des gens autour de nous, lorsqu’ils ont appris que nous attendions un quatrième, nous demandait ouvertement si c’était “un accident”. Nous avons finalement eu peu de réactions positives – seule ma belle-mère, qui a eu quatre enfants elle-même, était véritablement ravie.
Après notre quatrième, je suis retombée enceinte trois fois d’un petit cinquième, que j’ai perdu chaque fois. Notre deuxième perte, à 12 semaines, a été particulièrement douloureuse, et du coup j’en ai parlé à ma famille – j’aurais mieux fait de me taire, car je n’ai eu aucun réconfort, tant l’idée que nous pourrions avoir un cinquième enfant leur paraissait déraisonnable…

@familles-nombreuses.ch

Raconte-nous une journée type de ta semaine.
C’est difficile de raconter une journée type, parce que chaque jour est différent ! Par contre je dirais que j’ai une espèce de « cadre » qui est à peu près comme ça :
6h : je me lève avant tout le monde, je travaille sur l’administratif et l’intendance.
8h : tous les enfants sont debout, nous faisons du travail scolaire.
12h : pause repas
Après-midi, environ entre 13h et 16h : activités ensemble à l’extérieur.
16h : moment libre pour les enfants, administratif/courses/aide à mon père/préparation du repas/etc pour moi.
19h : routine du coucher pour le petit
20h : le petit dort, les grands s’occupent tranquillement, moment de travail divers pour moi.
22h : dans l’idéal je vais au lit et passe un moment à discuter avec mon mari et à lire un bon livre.
23h : dodo
Bon… ce cadre-là, c’est en très gros… là-dedans il faut caser mille choses : en plus de l’instruction des enfants, je m’occupe de la comptabilité de mon mari indépendant, de 80% des affaires administratives de mon père et de la coordination de ses divers traitements, soins, etc., je suis impliquée dans la défense du droit de faire l’instruction hors école, j’essaye de monter une petite entreprise en ligne, et je gère tout l’administratif de notre famille. Il faut aussi, bien sûr, caser les divers rendez-vous de médecin – pour nous et pour mon père – , faire les courses – aussi pour nous et lui -, passer du temps au téléphone avec notre fils aîné, organiser les anniversaires et fêtes de famille, etc… la liste pourrait être très longue, mais je m’arrête là ! Certaines semaines j’assure à 200%, d’autres semaines, un peu moins !
Ce qui m’aide, ce sont certaines routines assez immuables : me lever avant les enfants, mettre une lessive tous les matins (que les enfants plient et rangent en fin de journée), préparer ma liste de menus et de courses une fois par semaine, préparer un bout du repas du soir le matin déjà, etc. J’essaye aussi, tous les jours, de prendre ne serait-ce que cinq minutes pour méditer, respirer et me centrer.

Qu’est-ce qui est le plus difficile pour toi dans la gestion d’une famille nombreuse ?
Pour moi, clairement, le plus difficile est de ne jamais avoir aucun relais, aucun temps de respiration. J’aurais vraiment besoin de famille autour de moi – grand-parents ou oncles/tantes – qui, une fois de temps en temps, prenne les enfants une journée pour que je puisse juste être seule un moment. Je trouve parfois aussi assez difficile d’être tout le temps sollicitée d’une façon ou d’une autre – avec quatre enfants, il y a forcément presque toujours l’un d’entre eux qui a un besoin, une demande, une maladie… bien sûr ils ont appris à attendre, à patienter, mais pour moi, parfois, j’ai l’impression que ça ne finit jamais !

Est-ce que tu as de l’aide ?
J’ai Andreza, que j’appelle ma fée du ménage, qui vient deux heures par semaines. C’est tout. Si nous avions plus d’argent, je la paierais sans hésitation pour venir plus. Ces deux heures sont un luxe, vraiment, théoriquement dans le budget c’est une dépense de trop, mais je me suis forcée à m’autoriser ça depuis que je m’occupe beaucoup de mon père.
Pour le reste, je n’ai aucune aide, et je veux vraiment dire aucune. Ma famille ne prend jamais, jamais nos enfants. Les dernières 24 heures que mon mari et moi avons eues seuls, c’était en 2012, avant d’avoir notre quatrième, quand une amie qui a elle-même quatre enfants nous avait pris nos trois pour une nuit.

Qu’est-ce qui te manque le plus depuis que tu as 4 enfants ?
Honnêtement, rien vraiment ! J’adore avoir les quatre ! Ce qui me manque, c’est de temps en temps d’avoir du silence, un moment où je n’ai pas besoin de parler… mais ça me manquerait aussi si je n’avais que deux enfants, ce n’est pas spécifique à la famille nombreuse je crois !

Si tu avais une baguette magique…
… ah là, sans hésiter, je demanderais des grand-parents, des vrais ! Qui auraient envie de prendre de temps en temps les enfants une journée, passer des moments supers avec eux, et nous donner du coup aussi un peu de relais !

Pourrais-tu partager avec nous de beaux moments de grossesse ou d’accouchement ?
Il y en a tellement… difficile de savoir que choisir ! Notre deuxième a mis des années à venir et nous croyions que nous n’aurions qu’un enfant… le moment où j’ai découvert que j’étais enceinte d’elle était juste merveilleux !
Et bien sûr, chaque naissance était magique, merveilleuse… cette rencontre avec ce nouvel être, ce petit humain si vulnérable et si parfait en même temps… j’en ai les larmes aux yeux rien que d’y penser !
Une chose qui m’a énormément touchée, c’est l’émotion de mon mari aux naissances. Ce n’est pas un homme qui montre beaucoup ses émotions. Mais je n’oublierai jamais comment, à la naissance de notre quatrième, il n’arrivait plus à parler… puis quand il a retrouvé sa voix, il m’a dit en français : « c’est un petit garçon » – alors que nous parlons toujours, toujours, toujours anglais ensemble ! C’était très émouvant, je ne sais pas vraiment pourquoi – mais de l’entendre si remué qu’il en oubliait sa propre langue, c’était fort.

Qu’as-tu appris avec ces nombreuses maternités ?
Incontestablement j’ai appris à lâcher… Peu s’est passé comme je l’avais imaginé ou désiré, et ça a été douloureux parfois, mais ça m’a appris à lâcher, à prendre la vie comme elle est, à apprécier les bonheurs, à arrêter de tout vouloir contrôler et planifier. J’ai appris à regarder et à vivre l’essentiel, à être dans le moment présent, à faire confiance. J’ai découvert aussi que j’ai une force inouïe, que je ne soupçonnais pas !

Que conseillerais-tu à une maman qui hésite à se lancer dans l’aventure « famille nombreuse » ?
Si c’est un rêve pour elle et son conjoint, je lui dirais d’y aller, les yeux fermés, avec confiance !

Penses-tu à un autre « petit dernier » ?
Je rêve toujours d’un cinquième, oui ! La porte est ouverte s’il veut venir… Maintenant le corps bien sûr a son programme à lui, et je travaille à l’accepter.

Quelque chose d’autre à ajouter ?
Oui, je voudrais juste rajouter que je ne me lasse pas de voir les enfants grandir et devenir des « personnes », avec leurs projets, leurs désirs, leurs vies à eux qui se dessinent. Si j’ai trouvé absolument merveilleux de les avoir petits, de porter mes bébés, de les allaiter, d’être complètement fusionnelle avec eux, je trouve au moins aussi merveilleux de les avoir maintenant plus grands. Je regarde en arrière et me dis que notre immense investissement, à mon mari et moi, a vraiment valu la peine.

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