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Mère indigne

Je viens de retomber sur ce texte que j’avais écrit il y a presque 5 ans! Je ne l’avais pas publié, mais je pense qu’il pourrait permettre à d’autres mamans de déculpabiliser, de dire que, même avec l’expérience de 6 enfants, on ne peut pas tout maîtriser, et que la maternité n’est pas un long fleuve tranquille… 😉

Je vous le publie ci-dessous, sans changement, tel que je ressentais les choses il y a 5 ans. 

« Ce n’est pas facile d’en parler sérieusement. J’ai quand même un peu peur du jugement négatif que pourraient avoir les lecteurs, mais je pense que mon expérience pourra peut-être soulager certaines personnes ressentant la même chose que moi…

Alors… Il faut déjà se mettre d’accord sur ce qu’est une mère indigne. Une maman qui fait passer ses plaisirs / envies / besoins avant ceux de ses enfants ? Une maman qui commet une « faute » et dont les actes auraient pu être graves ? Une maladresse politiquement incorrecte ? Oser dire tout haut ce que beaucoup taisent ? Bref… le panel est large 😉

 

Selon moi, il y a donc plusieurs « degrés d’indignité » 😉

Tout d’abord, il y a ces petites anecdotes qui font sourire, et qui, finalement, arrivent à pas mal de monde.
Chez moi, c’est typiquement de taper la tête de mes bébés lorsque je les mettais dans le siège auto… Je crois que je les ai tous cognés une fois… Ou de couper un petit bout de peau la première fois qu’on coupe les ongles du nouveau-né… On culpabilise un moment… Mais fondamentalement, ce n’est pas grave.
Ce sont aussi des réflexes stupides, qui, sortis de leurs contextes, pourraient être mal interprétés. Me revient en tête le fait de tendre un croche-pattes à ma fille de 2 ans alors que j’étais en train de sortir son frère, bébé, de son siège auto (décidément, je ne suis pas amie avec la voiture !). Je n’avais pas les mains libres et une voiture arrivait sur le parking. Elle n’avait pas vu ma fille, et, sur le moment, la seule option que j’ai eue a été de la stopper avec ma jambe. Elle est tombée. Mais elle s’est arrêtée et la voiture est passée à quelques dizaines de centimètres d’elle. Je m’en suis voulu d’avoir fait trébucher ma fille, et, vu de l’extérieur, j’aurais probablement été surprise de voir une maman tendre un croche-pattes à son enfant. Ceci dit, j’ai très probablement évité un accident. Donc, ces petits moments de solitude sont finalement assez courants 😉 

Il y a aussi ces gestes ou actes que certains mouvements qu’une partie de la société condamne. Lesquels ? Personnellement, je donnerais des exemples comme mettre un DVD (ou deux) pour avoir la paix, leur laisser manger « n’importe quoi » lorsqu’il y a des invités, ne pas avoir de jouets Montessori, ne pas les entendre la nuit quand ils pleurent, mettre du bain moussant pas bio, … C’est-à-dire, la plupart du temps, écouter les besoins de la maman avant celui de l’enfant. Or, j’ai l’impression qu’actuellement, faire passer le bien-être de l’enfant en premier est primordial, ainsi que gommer tout ce que se faisait auparavant.

Ces gestes éducatifs peuvent être jugées parfois très vigoureusement par d’autres mamans ou grands-parents, par exemple. L’éducation est un vaste monde. Je trouve culpabilisant ces discours commençant par « il faut que… » et tous ces verbes à l’impératif… Nous faisons comme nous pouvons à un moment donné (et à une époque donnée) dans un contexte donné. Quand tu as l’impression que toutes les autres mamans arrivent à, par exemple, pratiquer la Communication Non Violente, et que toi, tu cries, tu te sens nulle, honteuse (surtout s’il y a du public comme dans la cour de l’école, les transports en commun ou au magasin). Quand je dois justifier mes choix éducatifs ou répondre à des « Oh, tu oses laisser faire ça, toi ? », je me remets en question, et ne me sens donc pas au top de ma confiance.  Ce genre de phrases me trouble, et je me demande si finalement, je fais faux ? Donc je culpabilise un moment… Parfois, je change ma façon de faire et parfois, je persiste …

 

Et puis, il y a ces moments que tu aimerais oublier. Ces moments qui auraient pu avoir de graves conséquences. Où tu as eu un moment d’inattention peut-être. Où tu as peut-être pas assez anticipé ou sous-estimé un mot, un acte… Où tes enfants t’ont désobéi. Ou tout simplement, un malheureux hasard. Et où vraiment, tu te sens incapable, nullissime et tu as envie de disparaître.

Ce n’est pas un exercice facile pour moi d’en parler.
Celui que je vais évoquer aujourd’hui, c’est la disparition ou la fugue. Mais pas d’un ado, celui d’un enfant.  Je l’ai vécu plusieurs fois. Plusieurs de mes enfants, âgés entre 2.5 ans (si si) et 5.5 ans, sont partis de la maison. Ceux de 3.5 ans et de 5.5 ans, c’est sur le coup de la colère. Fâchés contre moi, ils sont partis. Heureusement, je les ai retrouvés assez vite. J’ai compris leur mécanisme, leur raison, et il a fallu discuter pour que ça n’arrive plus. Pour l’un d’entre eux, cela n’a pas suffi, j’ai dû me faire aider par un professionnel. A ce moment-là, je me suis sentie extrêmement mal, incapable de protéger mes enfants, et pire, de ne plus pouvoir leur donner d’affection tellement j’étais mal.
Celui qui a 2.5 ans est parti plusieurs fois, non pas parce qu’il était fâché… Lui, c’est juste l’envie de liberté et la curiosité. Les sorties deviennent très délicates, il arrive même à escalader le treillis de la maison.
Un jour, alors que j’étais à la cuisine, je reçois un téléphone sur mon natel. Intriguée par la personne qui m’appelle (une voisine), je réponds. Elle me demande si tous mes garçons sont avec moi car elle a trouvé un petit au milieu de la route qui ne parle pas. Je lui dis qu’ils jouent tous en haut. Je monte vérifier, et effectivement, mon petit dernier n’était pas là… L’angoisse, la honte, la peur, la culpabilité et le soulagement quand je l’ai retrouvé… Il a fallu faire face à ma voisine et à ses accompagnatrices. Lui expliquer que j’étais dehors avec lui, qu’on est tous rentré et que j’étais sûre de l’entendre dans les chambres du haut. Mais non, il avait réussi (encore, c’était la 3e fois) à filer en douce, malgré les barricades dans le jardin, la porte qui sonne quand elle s’ouvre …  
Le soir, je ne pouvais pas parler de ceci sans pleurer, j’ai donc écrit un SMS à cette voisine, maman de 3 grands enfants, pour la remercier. Elle m’a répondu : « Maintenant, je retiendrai peut-être le prénom de tes enfants. ». Ne pas me sentir jugée par cette maman a été d’un réconfort incroyable. Elle m’a permis de ne pas me culpabiliser encore plus (j’arrive très bien à le faire moi-même). Car pour moi, j’ai commis la faute de ne pas l’avoir assez surveillé. J’aurais dû faire plus… Il aurait pu se faire écraser par une voiture, partir plus loin, disparaître…  Personnellement, ce sont des moments où je me suis sentie le plus indigne, touchée dans ma capacité à protéger mes enfants, dans mon identité même de maman.

Malgré tout, ce sont des choses qui arrivent. Finalement, le sentiment de honte finit par se dissiper, et la vie continue. Je dois apprendre à laisser de la liberté et faire confiance à mes enfants, je ne peux pas rester coller à mon enfant 24h/24h. Mais c’est dur. Très très dur. Les conséquences auraient pu être différentes. Je dois surtout apprendre à accepter de ne pas tout pouvoir contrôler…  De toutes manières, je n’ai pas trop le choix 😉

Finalement, avec du recul, je sors grandie de tout ce qui m’est arrivé, j’essaie surtout d’apprendre de mes erreurs et de ne pas les reproduire … C’est dire s’ils sont forts de trouver de nouvelles expériences à me faire vivre, même au 6e enfant 😉 »

 

Et avec 5 ans de recul supplémentaire, je ne changerais aucun mot! Mon dernier continue de m’en faire voir de toutes les couleurs, mais j’apprends à ne pas me justifier, mais plutôt à partager mon expérience auprès des autres, afin de leur permettre de voir que ça arrive et que ce n’est pas un événement qui va anéantir toutes les autres années de leur éducation qui se sont bien passées… 

 

 

 

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